Hubert Félix Thiéfaine
BIOGRAPHIE
Roi des mots et de la rime, prince
de l'insolence et de la dénonciation, Hubert-Félix Thiéfaine est classé depuis
quelques vingt ans, parmi les inclassables. Loin des aléas du goût du showbiz et
des médias, l'oeuvre du chanteur-poète est des plus singulières, plébiscitée par
un public jeune, puis moins jeune et à nouveau jeune. Sans âge. Comme la prose
de Thiéfaine.
Hubert-Félix Thiéfaine est né à Dole
dans le Jura le 21 juillet 1948. Sa scolarité n'est pas très heureuse. On
envisage pour lui une filière technique. Mais à l'âge de 12 ans, il est envoyé
en pension au Petit Séminaire. Ce milieu assez sinistre et très surveillé finit
par stimuler son imagination. C'est à peu près à cette période que Hubert-Félix
commence à écrire des chansons. Avec ses copains, il monte même un groupe, les
Caïds Boys.
Vers ses quinze ans, à nouveau externe,
donc un peu plus libre, Hubert-Félix traîne et fréquente les cafés, espace de
discussion et de détente. C'est aussi l'âge des découvertes musicales : Dylan,
les Who, les Rolling Stones mais aussi les chanteurs à texte comme Jacques Brel
ou Léo Ferré. Il s'intéresse beaucoup à la poésie et à la littérature y
recherchant de quoi nourrir ses révoltes et son spleen adolescent.
Alors qu'il est étudiant en faculté de
psychologie à Besançon, il rencontre celui qui va devenir bien plus qu'un ami,
Tony Carbonare. En effet, en 70, tous les deux se mettent au travail accompagnés
d'un guitariste, Claude Mairet et concoctent ce qui sera le premier album de
Thiéfaine.
En novembre 71, il débarque à Paris et
y séjourne deux ans entre bricolage de maquettes et écriture de textes. En 73,
il donne pourtant son premier spectacle intitulé "Comme un chien dans un
cimetière". C'est à Sochaux qu'il retrouve Carbonare qui est informaticien dans
cette ville. Les deux amis jouent avec un groupe folk appelé Machin.
L'adéquation entre ce dernier et Thiéfaine, qui écrit plutôt du rock est
difficile à trouver. Mais l'aventure commune continue et en juillet 76, ils
effectuent leur premier concert ensemble. Cette année-là, Thiéfaine signe avec
le producteur Hervé Bergerat.
Premier album
En 77, le chanteur enregistre son premier album intitulé
sobrement "Tout corps vivant branché sur le secteur étant appelé à s'émouvoir?".
Son écriture peu académique ne rend pas son disque facilement abordable. En 78,
l'année de sa sortie, on comptabilisera quelques 3000 ventes de cet album. Seul
le titre "La fille du coupeur de joint" (devenu avec le temps un classique de
son répertoire) émerge du lot et passe ainsi sur quelques radios.
Les deux albums suivants "Autorisation
de délirer" (79) et "De l'amour, de l'art ou du cochon" (dans lequel on trouve
le titre "Comme un chien dans un cimetière") sont dans la même veine rock-folk
que le précédent. Thiéfaine de son propre avis semble avec ce dernier opus se
perdre un peu. Il se produit durant une semaine à la Gaité Montparnasse à Paris
en 80. Ce premier succès parisien est essentiellement dû au bouche à oreille. La
personnalité de Thiéfaine est assez étonnante. Au delà de la panoplie de l'amuseur-provocateur,
se cache une sensibilité exacerbée, une poésie noire et une rage rivée au
ventre. Personnage atypique à la limite de la folie, sa personnalité fascine.
Après une période de grand trouble
intérieur, sort en 81, l'album au titre évocateur "Dernière balise avant
mutation". Son ami Claude Mairet signe ici trois musiques et les arrangements de
ce quatrième opus. Il retrouve la Gaité Montparnasse à Paris pour trois semaines
et se produit à l'Olympia lors d'un concert triomphal. Mairet collabore un peu
plus à "Soleil cherche futur" qui paraît l'année suivante. Premier Disque d'Or,
cet album ramène un public de plus en plus large. "Loreleï" et "les Dingues et
les paumés" sont les deux titres qui passent le plus sur les radios, faisant
même du premier un véritable tube. L'univers que propose Thiéfaine est noir et
toujours proche de la folie; les textes de ses chansons sont autant d'images
fortes et surréalistes que le public (jeune) reprend à son compte. Ce dernier
est d'ailleurs au rendez-vous à l'Olympia en 83, pour une semaine de concerts et
retrouve le chanteur sur les routes de France durant plus de trois mois.
Juste après la sortie en 84 d'un album
Thiéfaine/Mairet intitulé "Alambic/sortie sud", Hubert-Félix Thiéfaine se
retrouve en 85 sur la scène du Zénith à Paris, du 23 au 25 octobre. Peu économe
de son énergie, il donne beaucoup sur scène. En 86, au cour d'une grande
tournée, il se produit au Festival du Printemps de Bourges, à celui de Nyon et
celui de Québec. A la fin de cette année-là, sort "Météo für nada", avec
notamment le titre "Sweet Amanite phalloïde queen". Cultivant le chaos des mots
dans un jardin de mauvaises herbes, Thiéfaine balade son pessimisme en étendard,
à la plus grande joie de son public.
Après une pause pendant l'année 87, le
chanteur-poète revient l'année suivante avec un nouvel album "Eros über alles"
naviguant entre amour et mort, porté par une écriture toujours aussi alambiquée,
mais puissante. Il effectue ensuite une tournée et s'installe durant deux
semaines, en avril 88, à l'Elysée-Montmartre à Paris.
Enregistrements aux Etats-Unis
Décidant de rompre avec ses habitudes d'enregistrement, il
s'envole pour New York en 89. Il concocte seul avec sa guitare, un album produit
par l'américain Barry Reynolds. "Chroniques Bluesymental" sort en 90. Thiéfaine
enchaîne sur une longue tournée de 18 mois, quelques 102 concerts, de nombreuses
prestations dans les festivals et trois dates au Zénith à Paris. S'il s'arrête
pour quelques jours de vacances, c'est pour mieux reprendre son travail et
l'écriture d'un nouvel album.
Après la côte est, c'est la côte ouest
des Etats-Unis que Thiéfaine investit en 93 pour enregistrer de nouvelles
chansons. En effet, à Los Angeles, il en impose suffisamment aux musiciens
locaux (ceux de Rod Stewart ou Keith Richards) pour mener à bien ce nouvel
épisode de sa carrière. "Fragments d'hébétude" est un disque intense, rock,
presque "américain". Et comme de coutume après la sortie d'un album, il entame
une tournée (énorme) de concerts à travers la France qui dure quasiment un an et
demi. Toujours aussi discret dans les médias, les salles, quant à elles se
remplissent sans problème. Thiéfaine panache anciennes et nouvelles chansons,
reprenant parfois "la Solitude" de Léo Ferré. En 95, sort d'ailleurs un double
CD live intitulé "Paris-Zénith".
Toujours aussi prolifique, Thiéfaine
bouscule une fois de plus son public en publiant en 96 "La tentation du
Bonheur". Ces mots semblent étranges dans l'univers du chanteur. Peut-on penser
qu'il s'agit d'une sorte d'aboutissement après de nombreuses années de doutes,
de délires et sentiments pessimistes ? Il faut surtout penser que le bonheur
n'est pas forcément un "long fleuve tranquille". Entre rock et blues, on
retrouve tous les ingrédients chers au chanteur : tendresse de "Tita dong-dong
song" (inspiré des mots de ses fils), poésie de "Des adieux", lucidité de "Mojo-dépanneur
TV".
Vingt ans de scène
En avril 98, comme pour fêter ses vingt ans de scène, sort un
nouvel album "Le bonheur de la tentation", enregistré en partie à Londres.
Plaisanterie ou flemmardise de l'auteur, le titre semble être l'écho du titre de
l'album précédent. Le mot bonheur lui fait peur. Il y revient. Ses thèmes de
prédilection et son écriture ne changent pas, mais il est toujours satisfaisant
de l'entendre dénoncer la bêtise humaine.
Pour son retour sur scène, Thiéfaine
frappe très fort puisque, cet artiste plutôt habitué aux petites salles, choisit
le Palais Omnisport de Paris-Bercy et ses 17.000 places pour son concert
événement du 11 décembre 98. C'est un immense succès puisque la salle affiche
complet et le public est tout entier acquis à son idole si secrète et si avare
de ses apparitions. Entouré de cinq musiciens et d'un ensemble à cordes, ce
personnage singulier de la chanson française présente un spectacle poétique et
très personnel (deux titres sur ses fils Hugo et Lucas).
Dès le 14 décembre, Thiéfaine repart
sur les routes de France qui lui sont plus familières que les méga salles de la
capitale. Cependant, devant le succès de Bercy, Thiéfaine continue sa tournée
avec deux dates supplémentaires à l'Olympia de Paris, les 15 et 29 mars 99 puis
en novembre quelques concerts en France dont un au Casino de Paris. Un double CD
live (le cinquième) enregistré à Bercy vient témoigner de l'enthousiasme du
chanteur et de son public.
2001 - Défloration 13
Le début de siècle marque un tournant dans la carrière du
chanteur auteur compositeur. En effet, après avoir changé de maison de disques
(il signe chez Epic), de manager (sa femme Francine Nicolas s'occupe désormais
de lui) et de musiciens, Thiéfaine se remet en cause artistiquement avec
l'écriture de son treizième album "Défloration 13" qui sort en mars 2001. Il y
intègre notamment de nouveaux genres musicaux comme le trip hop et même l'électro.
La tournée "Défloration 13" commence en
octobre. Soixante dix-sept dates à travers la France. Les concerts à Paris
restent des dates marquantes pour les fans : les 19 et 20 octobre 2001 au Zénith
puis plus tard, le 28 mars 2002 au Bataclan. Ce concert donne d'ailleurs
naissance à un disque live. Il sort le 28 octobre, le même jour qu'un hommage,
"Les fils du coupeur de joints", sur lequel quatorze artistes français (Sanseverino,
Matmatah, Mickey 3D, Bénabar,...) reprennent chacun un des nombreux titres du
chanteur.
A la fin de la tournée, des problèmes
de dos qu'il a déjà du affronter par le passé, le font à nouveau souffrir. En
janvier 2003, à la suite d'une grave crise, il se voit obligé de rester
tranquille et de ne pas bouger. Il met de long mois à se remettre.
En octobre, il inaugure les "Lundis au
Palais Royal" : à la demande du directeur du théâtre, Hubert-Felix Thiefaine
donne le coup d'envoi de cette série de concerts acoustiques. Il se produit
alors seul sur scène avec sa guitare, expérience qu'il a déjà faite à Genève, en
Suisse, le 25 mai 2002, un des plus gros trac de sa carrière, d'après ses dires.
Pour faire plaisir à ses fans, le
rocker entreprend une tournée acoustique d'une soixantaine de dates qui débute
en avril 2004 et se termine en juillet 2005. Seul avec sa Gibson, il interprète
une grande partie de son répertoire. C'est un véritable succès. Le 17 juillet
2004, pendant les Francos de la Rochelle, il invite son ami Paul Personne à
venir le rejoindre sur scène. Pendant la période du 6 au 20 juillet, il donne
cinq concerts à guichets fermés aux Théâtre parisien des Bouffes du Nord.
Cette année-là, il connaît aussi une
expérience théâtrale : les 26 et 27 mai, il interprète le rôle du Diable dans
"l'Histoire du soldat", une pièce musicale de Ramuz et Igor Stravinski sur la
scène du grand Théâtre de Dijon.
2005 - Scandale mélancolique
En janvier 2005, il reprend l'écriture d'un nouvel album
studio. Celui-ci sort en octobre. Il s'intitule "Scandale mélancolique". Hubert
cette fois-ci, donne les musiques à écrire à d'autres compositeurs que lui-même.
On retrouve ainsi Cali, qui chante en duo avec lui sur "Gynécées", JP Nataf,
ex-Innocents, Michael Furnon de Mickey 3D, le Suisse Jeremy Kiesling ou encore
le groupe de rock Elista qui signe un hommage à Bertand Cantat "Télégramme
2003". Un son résolument pop rock sur lequel tout le monde se retrouve, des mots
qui siéent aussi bien à Thiéfaine qu'à ses invités. Le premier extrait de
l'album s'intitule "Confessions d'un never been".
Qu'on aime ou non ses chansons,
Hubert-Félix Thiéfaine a le mérite d'exister. Loin des pressions du show-biz et
du diktat des médias, le chanteur est intransigeant, mais fidèle à lui-même.
Chacun de ses albums est au moins Disque d'Or et ses concerts sont souvent
complets. Sa personnalité complexe mais attachante en fait un des artistes
français les plus intéressants de sa génération.